Issue des races du « grand groupe jurassique », l’Abondance s’est façonnée durant des siècles d’adaptation aux conditions d’élevage en zone de montagne. Elle s’est sélectionnée naturellement, au fil des siècles, à l’abri des influences extérieures et est devenue une race rustique, résistante et productive.
C’est au XIX° siècle, que la notion de race bovine apparaît réellement. Les vaches du Haut-Chablais sont alors particulièrement réputées. En 1836, M. Dumont de Bonneville demandait en 1836, dans un rapport à la Chambre Royale de Savoie, que la race bovine de la région soit améliorée par l’introduction de taureaux en provenance des cantons du Haut-Chablais.
En 1890, la Société d’Agriculture de Thonon propose la création du Herd-Book chablaisien. Le 1er mai 1891, une conférence-congrès, réunie à la Chapelle d’Abondance, définit les caractères de la race : « une vache différente de la Simmental Suisse car plus légère, plus rustique, moins exigeante. Elle convient mieux aux localités où les fourrages et pâturages ne sont pas très abondants ».
Trois ans plus tard, en 1894, le Herd-Book est officiellement créé. La première tournée d’inscription se déroule en 1895 et le premier concours spécial de la race, que l’on appelle encore Chablaisienne, a lieu à Thonon. Il réunit 178 bovins. En 1897, le premier livre généalogique est imprimé et regroupe 1 415 animaux.
Jusqu’à la première guerre mondiale, pour promouvoir l’agriculture et élevage, différents concours spéciaux sont organisés sous l’égide de la Société d’Agriculture de Thonon.
Sous l’impulsion de René Girardin, les activités du Herd-Book sont relancées. Les animaux sont enregistrés en 1936, le contrôle laitier est créé en 1937. Stoppé à nouveau par la seconde guerre mondiale, le Herd-Book se développe réellement après 1947.
Le Herd-Book définit le standard de la race Abondance et privilégie alors le rameau que l’on connait encore aujourd’hui (une race pie rouge, à robe acajou souvent couverte et portant des lunettes). Pour diffuser les qualités de l’Abondance, le Herd-Book s’appuie un nouvel outil : l’insémination artificielle. Le centre d’insémination de l’Union Alpes Rhône, basé à Bel-Air (Rhône) accueille les premiers taureaux Abondance en 1948.
De 1950 à 1965, les demandes des éleveurs ne cessent d’augmenter en faveur de la semence Abondance pour atteindre 120 000 inséminations par an.
L’arrivée de races réputées plus laitières, la course au productivisme et les quotas laitiers dans les années 80 vont mettre un frein à cette croissance. L’Abondance est alors malmenée et ses effectifs régressent. En montagne, l’élevage laitier est parfois abandonné et en zone de plaine, de nouvelles races apparaissent. Si les effectifs au contrôle laitier se maintiennent aux alentours de 13 000 vaches, le nombre d’inséminations recule et descend en dessous de 40 000 IA par an.
Sur son territoire de prédilection, la présence de l’Abondance est réaffirmée. La mise en place des AOP fromagères (Reblochon, Beaufort, fromage d’Abondance) lui reconnaît une place légitime. Elle rayonne dans ces terroirs historiques grâce à ses qualités fromagères et de montagnardes sélectionnées de manière immémoriale.
Elle s’implante également sur de nouveaux territoires où elle séduit de nombreux éleveurs s’éloignant d’un modèle trop productiviste. En milieu difficile, là où elle doit aller chercher sa nourriture, en agriculture biologique, en production fromagère, l’Abondance excelle et fait valoir toutes ses qualités.
En 20 ans, ses effectifs ont augmenté de 45 % et atteignent aujourd’hui 24 000 vaches contrôlées. L’Abondance est présente sur plus de vingt départements. Elle est la plus grande des races à moyens effectifs.