En 5 ans, l’élevage Martin est passé d’un système très intensif à un système bio foin-regain, tout en gardant un très haut niveau génétique.
Lorsqu’on pense à l’élevage Martin, on le réduit très souvent à Camélia. Cette fille de Nucléair, championne à Paris en 2015 a battu des records de production avec une lactation supérieure à 13 000 kg et trois contrôles à 62 kg par jour. Mais Camélia n’était pas seule, l’ensemble du troupeau affichait régulièrement une moyenne de production proche de 9 000 kg de lait par an.
« Durant des années, explique Rémi Martin, limités par le quota et par la taille des bâtiments, nous voulions maximiser le lait par vache. Et cela marchait bien ». Les lactations supérieures à 10 000 kg, y compris dès la première lactation étaient légion. L’insémination artificielle utilisée depuis 1968, privilégiait les taureaux laitiers. Pour atteindre un tel niveau de production, l’alimentation était également très intensive. Elle s’appuyait sur l’ensilage d’herbe (60 %), l’ensilage de maïs entièrement acheté (20 %), du foin (20 %) et des concentrés sous forme de VL… jusqu’à 10 kg par vache et par jour.
Un système remis en question en 2015.
Rémi s’installe en Gaec avec Albert son père en 2014. Dès l’année suivante, le Gaec subit la crise du lait et le prix du lait s’effondre à 270 €/tonne. « De plus, le bâtiment entravé construit en 1986 devenait obsolète. Nous mettions 2h30 pour traire 45 vaches, 1 heure pour amener l’ensilage… Or il nous est apparu évident que nous ne pouvions pas supporter l’investissement d’un nouveau bâtiment dans notre système très intensif ». De plus, à cette période, Lactalis menace d’arrêter la collecte du lait dans le Trièves (ce qui sera effectif quelques années plus tard). « Dans le même temps, un ramassage organisé par Biolait a été assuré dans le Trièves. Nous avons donc sauté le pas vers l’agriculture biologique ». Créé en 1994 en Bretagne, Biolait est une coopérative assurant la collecte du lait bio. Aujourd’hui Biolait assure la collecte de 1 400 fermes dans 74 départements.
Quatre ans de transition et un nouveau bâtiment
Le 17 juillet 2019, le troupeau est rentré dans le nouveau bâtiment de 60 places en logette. L’alimentation a été entièrement revue. Elle s’appuie désormais sur le foin, regain et luzerne (le bâtiment est équipé du séchage en grange). La complémentation en céréales est assurée par du maïs grain, du tourteau soja et de l’orge. L’ensilage (herbe et maïs), la VL, l’utilisation d’engrais chimiques sur les prairies ont été abandonnés.
Au niveau du troupeau, avec le passage en agriculture biologique, l’objectif était de réduire le taux de renouvellement. « Jusqu’en 2015, nous avions 40 % de renouvellement chaque année, explique Rémi. Toutes les femelles, nées sur l’exploitation étaient élevées soit 20 à 25 par an. Quelques-unes étaient vendues prêtes mais la plupart rejoignaient le troupeau. La fertilité, les boiteries et même la production qui nous apparaissait parfois insuffisante étaient les principales causes de réforme ». Désormais, l’objectif est d’atteindre un rang moyen de lactation de 4. « Nous en sommes plus très loin, à 3,5 en 2021 » précise Rémi. Actuellement, 15 génisses sont élevées par an. 1/4 des inséminations est réalisé en semences sexées, 1/4 en semences conventionnelles et 2/4 en croisement charolais. Depuis 2018, le génotypage est pratiqué sur l’ensemble des femelles élevées.
Le troupeau avait intégré deux montbéliardes en 2001 (achetées à un voisin qui cessait son activité) et deux Brunes en 2014. Les Abondances représentent aujourd’hui 2/3 du troupeau « soit 45 vaches, le même nombre qu’en 2015 tempère Rémi », 1/3 de Montbéliardes et Brunes. « Ce rapport devrait rester identique dans les prochaines années explique Rémi. Les Brunes ont montré leur limite dans leur capacité à se déplacer et à supporter les années de sécheresse. Et l’Abondance a de vrais atouts dans les cellules et la reproduction ».
Hérité de 50 ans de sélection, le troupeau bénéficie d’un fort niveau génétique en lait et en corps. Le troupeau affiche aujourd’hui en agriculture biologique, une production moyenne supérieure à 6 000 kg et certaines vaches atteignent même 9 000kg. Mais cette sélection s’est opérée au détriment des taux. Les taux sont devenus le deuxième critère de sélection (derrière le lait mais devant la mamelle).
De nouveaux défis en 2022
Aujourd’hui la transition est achevée. Laurie, la compagne de Rémi a rejoint le GAEC le 1er mars 2021, suite au départ à la retraite d’Albert. Elle a développé une activité de ferme pédagogique qui a accueilli plus de 1000 personnes sur les six premiers mois de l’année.
Les difficultés actuelles résident sur la sécheresse subie cet été et l’envolée du prix des céréales « Les vaches sont nourries au foin depuis le 20 juillet et puisent dans les stocks déplore Rémi » La saisonnalité des vêlages (seulement 30 vaches traites en août) a permis d’atténuer le manque d’herbe. Plus inquiétant encore, les difficultés d’écoulement du lait bio qui connait à son tour, une surproduction. « 30 % du lait bio est écoulé en conventionnel et ce printemps, la valorisation du lait bio est devenue inférieure à celle du lait conventionnelle (340 € la tonne). Heureusement, la valorisation de la qualité apporte une hausse de 100 € conçoit Rémi et cette crise devrait être temporaire ».
Une hausse des prix du lait espérée et qui permettrait d’achever sereinement la transition entreprise en 2015.
Repères :
· Commune : Saint-Andéol en Isère (sur les contreforts du Vercors)
· Altitude : 1 000 mètres. La surface exploitée s’échelonne de 600 à 1400 mètres.
· 2 UTH : Laurie Poidevin et Rémi Martin + 1 apprenti
· 65 VL dont 45 Abondance à 6000kg de lait
· Niveau génétique :
ISU : 114,3 LAIT : + 346 TB : -0,6 TP : -0,1 MOR 105,3 COR : 105,5 Mam : 102,8
· 15 génisses élevées par an
· Agriculture certifiée biologique depuis 2018
· Activité Ferme pédagogique
· 117 hectares entièrement en herbe
· Livraison auprès de Biolait
· Taureaux diffusés à l’IA : Mirador, Maharaja, Magellan, Pagnol