On dit de lui qu’il s’agit du premier taureau véritablement améliorateur en mamelle en race Abondance. Coup de projecteur sur l’un des taureaux fondateurs de la race Abondance : POLUX
Polux est né le 29 septembre 1979 à Combloux chez Jean Paget. Comme dans beaucoup d’élevages de la vallée du Mont-Blanc, le cheptel est modeste (7 à 8 vaches) mais on y pratique la sélection (insémination et contrôle laitier) depuis les années 50. Judith (Bizarre x Rigolo), la mère de Polux est d’ailleurs une vache remarquable. « Une grande vache pour l’époque, se souvient Marcel Chesney, inséminateur du secteur. Elle présentait déjà une très bonne mamelle et comme de nombreuses filles de Bizarre, d’excellents trayons ». Judith est aussi une laitière affirmée. Elle dépasse les 6 000 kg de lait par an. Les tournées de mère à taureaux ont été instaurées en 1976 et les qualités de Judith lui permettent d’intégrer ce groupe d’élite, avec une légère réserve toutefois : un TP un peu faible (30 TP). A l’époque, on parle de matière utile et l’on différencie assez peu les deux taux, si bien que ce défaut n’est pas considéré comme rédhibitoire. En 1978, l’accouplement est réalisé avec Ingénieur, le taureau en vogue de l’époque et Polux est mis en testage en 1981 avec 9 autres taurillons fils de Bizarre (Paulus et Pnom Penh), d’Ignace (Prince), d’Humour (Panurge), d’Iran (Pilou) et bien sûr d’Ingénieur (Polo, Paradis, Pompon, Pipo et Polux).
Un taureau révélé pour son potentiel laitier
Ces premiers fils d’Ingénieur vont révéler la qualité de transmission génétique de leur père. Ils sont tous les cinq nettement améliorateurs en lait et agréées après testage. Cependant Paradis, Polo, Pipo (limités en morphologie) Pompon (négatif en taux) ne seront pas utilisés et Polux apparait de loin comme le plus complet. En 1985, avec 55 filles en lactation, il s’impose comme un taureau très laitier : + 889 kg de lait. Un apport à l’époque bienvenu puisque la sortie précédente avait été décevante (Naïf, Oh et Néron agréés) et Nautilus et Manus sortis deux ans plus tôt étaient plutôt appréciés pour leur apport en taux. Polux se démarque par la rapidité de traite de ses filles (qu’il n’a pas héritée de son père Ingénieur) et par la qualité de mamelle de ses filles. Attache avant, trayons sont au rendez-vous, l’attache arrière est en retrait avec une note de 47 (la moyenne est alors à 50). Une note que Bernard Ruas, technicien à la coopérative d’insémination de Haute-Savoie jugeait alors « un peu sévère ».
La faiblesse en TP de Polux passe inaperçue. En 1985, les deux taux (TB et TP) sont regroupés en un même index. Ils seront différenciés en 1989 et Polux apparaît alors comme améliorateur en TB (+1,1) mais largement défectueux en TP (-0,9). Un index TP qui tombe à -1,5 lorsque ses filles de service entrent en production à partir de 1989-90.
Polux un impact indéniable sur la qualité des mamelles
Polux a été utilisé en insémination de 1985 à 1990 et a engendré 1 495 filles nées principalement en 1986, 1987 et 1988. Côté mamelle : pas de doute, elles font l’unanimité. Les qualités de ses filles de service sont encore plus grandes que celles aperçues dans la série de testage. Cependant, aucune n’a véritablement marqué les mémoires au niveau des rings. Concurrencées par les filles de Nautilus au début des années 90 puis par celles de Tintouin, les filles de Polux ont dû mal à émerger sur les rings de Paris ou des concours nationaux. Elles manquent certainement d’éclatement et de profondeurs par rapport aux filles de Nautilus à une époque où la qualité des mamelles n’est pas encore le premier critère de jugement. Certaines ont pu être pénalisées par leur TP faible.
Pour cette même raison, très peu de filles de Polux ont été recrutées comme mères à taureaux. Lorsqu’elles arrivent en production au début des années 90, la sélection de cette section d’élite se fait principalement sur l’INEL. A partir de 1993, cet index ne prend en compte que la matière protéique et le TP : deux critères qui sont justement les points faibles de Polux. Et pourtant, il a fallu seulement de deux vaches pour que l’impact de Polux par la voie femelle soit fort. La première est Tartine (Polux x Joli-Cœur), née de la série de testage. En 1990, accouplée avec Nautilus, elle engendre FAUCON. Ce taureau, père de Normand, Nathan et Nucléair, fait fortement avancer la race en mamelle. 30 ans après sa naissance, il est toujours indexé à 113 mamelle, 118 en attache avant et 119 en trayons. L’autre vache est une clandestine. En effet, Ecaille toute sa vie était enregistrée comme fille de Rêveur. Une erreur de filiation seulement découverte en 2010, Ecaille était bien une fille de Polux. Retenue comme mère à taureau, elle est la mère de NATHAN (Faucon) qui, diffuse une fois de plus les qualités de Polux (Nathan est indexé aujourd’hui à 120 en attache avant et 121 en trayons.) Ecaille est également mère d’Ivresse (Tintouin) qui a engendré Oclin, Rumex et Romulus.
Par la voie mâle : une influence assurée par son fils FESTIN
Polux a été largement utilisé comme père à taureaux et 19 de ses fils sont entrés en testage. Les résultats ont été plutôt décevants : ses fils se montrant en moyenne moins laitiers que leur père tout en gardant un TP négatif (- 0,8 en moyenne). 3 d’entre eux seulement ont été agréés. Les deux premiers (Cristobal et Duroc) ont été peu utilisés et le seul Festin a été largement utilisé.
Né sur un rappel de sang d’Ingénieur, Festin a gardé l’impact laitier de son père tout en étant positif en taux. Côté mamelle, l’apport de Polux est indéniable : attache avant, trayons sont, une fois de plus, au rendez-vous. Cependant à cause peut-être de la consanguinité, Festin laisse des vaches de petit format avec un caractère difficile. Mais son impact actuel sur la génétique Abondance est de premier ordre puisque de cinq de ses fils comptent plus de 1 500 filles (Robuste : 2 392 ; Picotin : 2349 ; Rumex : 1994 ; Pétard : 1 681 et Rongeur : 1654).
Polux est bien un taureau fondateur de la race Abondance. Il a fait progresser la race en mamelle et principalement en attache avant et trayons. Des qualités qu’il a développées, mais que lui-même a hérité de sa mère une fille de Bizarre.
Judith, une lignée toujours travaillée dans le schéma aujourd’hui
L’impact de Polux au sein de la race Abondance aurait certainement comblé son naisseur. Mais Jean Paget n’en a rien su. Décédé en 1983, son troupeau a été dispersé. Judith a terminé sa carrière anonymement et assez difficilement dans un très modeste troupeau. L’histoire de cette lignée aurait pu s’arrêter là. Mais, elle a rejailli quelques années plus tard, dans une autre vallée. Le Gaec le Mont Chauffé a acquis une petite fille de Judith, né d’un rappel de sang de Bizarre. Radieuse (Bizarre x Espion x Judith), née en 1980 fera carrière dans l’élevage. Et quelle carrière ! En 12 lactations, elle a produit 81 405 kg de lait. Quarante ans, après sa naissance, elle est toujours dans les cent meilleurs cumuls lait de la race. Elle est à l’origine de nombreuses vaches du troupeau Girard. Liberté, meilleure mamelle jeune au départemental de Haute-Savoie, possède Radieuse en 8ème mère et Judith en 10ème. Côté taureau d’insémination : Chic-Boy descend de Radieuse. La génomique a aussi relancé cette souche. Cette année, deux jeunes taureaux Otigny (Malzieu) et Olastar (Loudix) font partie de cette famille. En 2021, ce sont Passion (Millet) et Patnaille (Gomis) qui devraient être utilisés en insémination.
Aujourd’hui, rares sont les vaches Abondance qui ne possèdent pas Polux dans leur pedigree. Il s’agit véritablement d’un taureau fondateur dont les qualités continuent de se diffuser aujourd’hui dans la race Abondance.
